Revue de presse

Prépas scientifiques : on connaît les lycées d’élite, mais voici les lycées « bons plans » qui font réussir

Par direction admin, publié le mardi 30 mai 2023 09:38 - Mis à jour le mardi 30 mai 2023 09:41

L'Obs, par Laura Makary publié le 24 février 2023

Outre les grandes maths sup connues de tous, il existe des dizaines de prépas un peu partout en France qui affichent de solides résultats sans sélectionner drastiquement leurs élèves. « L'Obs » les met en lumière.

Louis-le-Grand, Henri-IV, Sainte-Geneviève, Stanislas, Le Parc... Vous avez forcément entendu les noms de ces prestigieux lycées franciliens et lyonnais dont les classes préparatoires (aux grandes écoles, CPGE), tournées vers l'excellence, offrent toutes les chances d'intégrer une des meilleures écoles d'ingénieurs de France.

Les statistiques d'entrée à l'Ecole polytechnique (l'X), le Graal absolu, sont sans appel. En 2022, l'X ouvrait 431 places pour son cycle ingénieur, dont une majorité en filières MP (maths-physique, 187 places) et PC (physique-chimie, 131 places), et un peu moins en filières PSI (physique-sciences de l'ingénieur, 56 places) et PT (physique-technologie, 10 places). Parmi les étudiants intégrés, 92 (!) viennent de Sainte-Geneviève, 75 de Louis-le-Grand, 43 de Stanislas, 27 de Henri-IV, 25 de Saint-Louis... Auxquels il faut rajouter 34 valeureux Lyonnais inscrits l'année précédente au Parc (19) et aux Lazaristes (15). Soit près de 75 % des places trustées par seulement sept lycées, sur la grosse centaine de maths sup que compte l'Hexagone.

Naturellement, cela n'a pas échappé aux candidats et à leurs familles. Privés ou publics, ces lycées sont pris d'assaut sur Parcoursup et affichent des taux d'accès extrêmement bas. La MPSI (première année de maths sup donnant accès aux filières MP et PSI) de Louis-le-Grand n'accepte que 5 % des dossiers (souvent excellents) qui lui sont envoyés tandis que la PCSI (première année de maths sup donnant accès aux filières PC et PSI) d'Henri-IV est à peine moins élitiste à 9 %.

 

Ce système fonctionne très bien pour les heureux élus qui ont la chance d'y accéder mais ces derniers ne constituent pas, on l'aura compris, la majorité. D'où la volonté de « l'Obs » de mettre en avant ceux qu'on pourrait appeler les outsiders. Des établissements moins difficiles d'accès, dits « de proximité », recrutant des élèves aux profils plus divers mais permettant néanmoins de sortir par le haut après les deux trois années de travail intense que représente la prépa.

7 conseils pour se lancer dans Parcoursup

Ainsi du lycée privé Saliège, à Balma, dans l'agglomération de Toulouse. Sa sélectivité n'a rien à voir avec les chiffres précédemment mentionnés : 72 % des candidats sur Parcoursup ont reçu une proposition d'admission en 2022, 5 points de plus que l'année précédente dans sa prépa PC. « Il est certain que chez nous, les élèves ont un niveau plus hétérogène au départ, par rapport à des lycées dits d'élite ; pourtant, tous les ans, ils intègrent les écoles d'ingénieurs ! » souligne Bernard Le Floch, le directeur des CPGE scientifiques de l'établissement.

Résultat, sur 110 élèves de Saliège, 99 ont été admis dans des écoles en 2022. Dix ont décidé de redoubler, malgré des propositions d'admission. Et un seul candidat a redoublé sans aucune intégration possible. « Chez nous, il n'y a pas du tout la mentalité du "marche ou crève" ; les élèves travaillent sereinement, dans des conditions favorables, souvent en internat. Ils sont accompagnés par les professeurs et nous les incitons à réviser en groupe. En expliquant une notion à leurs camarades moins à l'aise, les plus avancés se rendent aussi service : ils voient vite s'ils l'ont réellement assimilée. » Cet esprit de camaraderie n'entame en rien l'ambition des préparationnaires. Ces trois dernières années, dans les prépas PC et PSI du lycée toulousain, un élève sur quatre a intégré le top 26 des grandes écoles d'ingénieurs ; un élève sur dix, le top 16.

Parcoursup, pas de panique !

Originaire d'un petit village du Vaucluse, Laura Roberti, elle, a choisi une prépa un peu plus sélective que Saliège : la PCSI du lycée Thiers, le grand établissement à prépas marseillais. Sélectivité : environ un candidat reçu sur deux, pour 96 places. Sa première année, loin de son cocon familial, s'est révélée compliquée : « Dans ma classe, il y avait de grandes différences de niveaux ; d'ailleurs, au départ, mes notes n'étaient pas au rendez-vous, mon groupe de travail était plus fort que moi. Malgré cela, je me suis sentie accompagnée et encouragée, nos enseignants passaient du temps avec nous après nos cours et nos colles. » Elle travaille dur et remonte la pente, jusqu'à entrer à la très cotée école des Arts et Métiers !

Actuellement en Australie en échange académique, notre future ingénieure ne regrette pas du tout son choix : comme à Saliège, elle note que « les disparités de niveaux ont aussi permis plus d'entraide et de solidarité. Les profs nous répétaient que la compétition était avec les autres lycées et pas entre nous, nous avons vraiment gardé cet état d'esprit tout du long, avec des moments sympas en dehors des cours, dont un week-end au ski. Cela a permis de créer du lien et de mieux travailler ensemble. »

Des regrets, Valentin Courtinat n'en a pas non plus. Il a même réalisé son rêve : réussir le très sélectif concours de contrôleur aérien de l'Ecole nationale de l'Aviation civile (Enac, 50 à 80 places chaque année, pour près de 800 candidats). Elève de terminale au lycée Blaise-Pascal à Clermont-Ferrand, il y poursuit sa scolarité en CPGE : « C'était un choix de simplicité et de cohérence, car mes parents habitaient juste à côté et plusieurs amis y allaient aussi. La question de partir ne s'est jamais posée, d'autant que c'est une prépa qui me semblait bien s'adapter à toutes les ambitions. »

En deuxième année, il échoue au concours, particulièrement ardu. L'étudiant s'accroche, redouble et affronte à nouveau les épreuves écrites et orales. « C'était difficile, mais je me suis senti soutenu, même quand mes résultats étaient en dents de scie. Mes professeurs de mathématiques et de physique ne m'ont jamais lâché, ils me disaient toujours que j'allais y arriver. » La seconde tentative est la bonne ! Après trois ans de travail assidu, Valentin décroche le sésame et rejoint Toulouse, capitale française de l'aéronautique où est installée l'Enac.

On pourrait donc tout aussi bien s'épanouir et réussir dans des « petites » ou « moyennes » prépas que dans des grandes institutions parisiennes ou lyonnaises. C'est clairement ce que laisse entendre Emmanuel Perrin, membre de la Conférence des Directeurs des Ecoles françaises d'Ingénieurs et directeur de Polytech Lyon. « Le plus important est de favoriser une prépa où l'on se sent bien. On va y passer au moins deux ans, ce choix est important ! Pour ma part, je conseille de ne pas trop se déraciner. Et de poser beaucoup de questions aux responsables des prépas qu'on vise, notamment en fréquentant les journées portes ouvertes : quel est l'environnement du lycée, la pédagogie, les équipes, l'ambiance ? » L'enseignant-chercheur se veut rassurant pour tous les jeunes un peu stressés de se lancer dans l'aventure de la maths sup : « Dans la très grande majorité des filières, il y a autant de places en écoles que de candidats. Ils finiront tous par intégrer ! »

Sylvain Letheux acquiesce. Proviseur du lycée Kléber à Strasbourg, il accueille des élèves en MPSI, PCSI et MP2I, la nouvelle filière maths-informatique, lancée en 2021. Avec une sélectivité raisonnable : 60 % de taux d'accès pour la PCSI, 33 % pour la MPSI et 28 % pour la MP2I. « Il n'y a pas d'inquiétude à avoir : les parcours sont sécurisés ; les écoles d'ingénieurs sont multiples et l'on peut aussi choisir d'aller à l'université, grâce à des équivalences. Personne ne se retrouve sans rien. En revanche, les techniques et méthodes de travail que vous apprenez en prépa vous seront toujours utiles, et ne se trouvent nulle part ailleurs » , assure-t-il. D'autant que certains élèves peuvent se révéler durant cette première partie d'études. « Rien n'est linéaire ! Je pense à l'un de nos étudiants, qui était plutôt moyen en première année. La deuxième année, en décembre, il s'est révélé et a obtenu une place à CentraleSupélec [la -deuxième plus grande école française d'ingénieurs après l'X, NDLR].   »

Facs de sciences : osez les maths qui ouvrent des portes (même celles de Polytechnique) !

Dans le lycée strasbourgeois, l'équipe pédagogique s'est fixé des règles pour encourager les étudiants et... sortir des stéréotypes quelque peu brutaux que peuvent encore traîner les CPGE. « Nous avons travaillé sur l'évaluation : les moyennes des classes ne peuvent dorénavant plus être inférieures à 10/20. Et à 12/20 pour les classes étoiles [les classes à partir de la Spé regroupant les meilleurs élèves pour préparer les concours de niveau le plus élevé]. L'objectif est de rassurer nos jeunes ! A mon époque, beaucoup d'élèves ne décollaient pas du 5/20 et ils pensaient que c'était ce qu'ils valaient. Or, il est essentiel qu'ils gardent une bonne estime d'eux-mêmes. »

 

Au lycée Champollion, à Grenoble, on prête une attention toute particulière à l'encadrement des étudiants, confirme Manuel Neves, le proviseur : « Nous prévoyons des entretiens individuels, des suivis pendant le semestre. Dès qu'un élève a un coup de mou, il faut y prêter attention et le soutenir ! Les professeurs sont là aussi pour aider les élèves à s'épanouir dans leurs études et à déployer toute leur capacité de travail. » Avantage d'une « petite » prépa de ce point de vue : la proximité renforcée avec les corps professoral et administratif.

Le lycée polyvalent de la Borde basse à Castres en est un bon exemple avec ses 24 préparationnaires, tous inscrits en MPSI. « C'est un vrai luxe pour nous, cela nous permet de bien connaître chaque élève. Au quotidien, je suis à la fois prof et coach. Les premières années connaissent déjà leur professeur de l'année supérieure, c'est vraiment une petite structure familiale dans laquelle chacun se sent en sécurité » , se réjouit Rui Dos Santos, professeur de mathématiques de la prépa. En 2021 par exemple, toute la promotion a été admise, dont un étudiant à l'X, deux à CentraleSupélec et deux à l'Isae-Supaero. Des résultats excellents qui ont d'ailleurs mis un coup de projecteur sur cette CPGE, jadis moyennement sélective. En un an, le taux d'accès est passé de 37 à 18 % et la proportion de bacheliers mention très bien, de 79 à 100 %. La rançon du succès...

Partir d'un lycée pas forcément très connu et arriver dans l'une des écoles d'ingénieurs les plus cotées de France : Flavien Chapuis l'a vécu. Originaire de Saint-Etienne, il hésite entre plusieurs prépas pendant son année de terminale. Ses parents lui suggèrent de rester dans la ville, plutôt que de multiplier les allers-retours. « A posteriori, ce conseil était plein de bon sens et j'ai très bien fait de le suivre » , relève-t-il. Il rejoint la PCSI du lycée local, Claude-Fauriel (87 % de taux d'accès sur Parcoursup pour 96 places), dont il garde « un excellent souvenir » , louant notamment son professeur de sciences physiques. « L'accompagnement dépendait vraiment des aspirations et capacités de chacun. Je me suis senti soutenu, tout en côtoyant des camarades ayant des niveaux hétérogènes, dont beaucoup de boursiers. Certains disent qu'on ne vise pas haut dans les petites prépas, mais c'est faux. » Sans jamais y croire vraiment, il finit en effet par décrocher la lune, en l'occurrence l'Ecole des Ponts, dans le top 5 des plus grandes écoles françaises. Notre désormais ingénieur se souvient d'avoir craint de ne pas avoir le niveau en y arrivant. « Finalement, ce n'était pas du tout le cas ! L'idée qu'on ne peut pas aller aux Ponts ou aux Mines sans prépa parisienne ou lyonnaise est erronée. Tout ce qui compte, c'est le travail et l'envie qu'on y met. »